Les enjeux du numérique dans le secteur agricole - Défis et opportunités

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Depuis quelques décennies, de plus en plus de données sont collectées et partagées entre les producteurs agricoles, les équipementiers, les entreprises qui fournissent intrants et services, les gouvernements, les différentes organisations qui structurent le secteur, les consommateurs, ainsi que les autres maillons de la chaîne d’approvisionnement. Ces données peuvent aider à mieux produire ou à poser plus rapidement des diagnostics sur l’évolution de la production, améliorant la productivité agricole, son empreinte sur l’environnement et même, la qualité de vie des producteurs agricoles.

Avec le développement de l’usage du numérique et la très grande quantité de données qui sont générées, des questions peuvent toutefois se poser en lien avec la confidentialité des données, leur sécurité (vol, piratage, manipulation), le transfert et le partage des données, la concurrence et le risque d’espionnage, la qualité des données, les compétences pour le traitement des données collectées, l’indépendance des producteurs, etc.

Dans ce contexte, ce projet exploratoire dresse tout d’abord un portrait de l’utilisation du numérique en agriculture au Québec et des enjeux qui en découlent (Comment se manifeste la révolution numérique en agriculture et quels sont les potentiels du numérique dans ce secteur ? Comment sont perçus les grands enjeux de cette révolution par les divers acteurs ?). Ce portrait repose sur une revue de littérature, mais surtout sur des entrevues avec des acteurs clés du secteur agricole québécois (organisations de producteurs, centres de recherche et centre d’expertise agricole, institutions et organisations gouvernementales, entreprises fournissant des technologies, des services, ou autres intrants numériques) et sur une enquête en ligne conduite en 2019 auprès de producteurs agricoles appartenant à trois secteurs : le secteur laitier, le secteur des grains et la culture en serres. Nous avons fait le constat que la vague numérique en agriculture ne semble pas être une mode de passage, bien au contraire. Une forte proportion des producteurs sondés a mentionné vouloir utiliser davantage d’outils numériques dans le futur et les acteurs s’accordent également pour dire qu’une véritable révolution est en route. De façon générale, le Québec agricole suit la vague numérique, du moins au niveau de l’adoption des technologies. Par contre, la province aurait un certain retard quant à l’intégration des données générées sur les exploitations comparativement aux régions concurrentes. Pour toutes les organisations rencontrées incluant les producteurs, le facteur clé de l’adoption des nouvelles technologies est l’impact économique sur l’exploitation.

La révolution numérique se traduit par la génération d’une quantité toujours plus importante de données dans les différentes opérations associées à la production, et ce volume s’avère utile pour les différentes parties prenantes de la chaîne agroalimentaire. Ce virage numérique est plutôt très bien perçu au Québec. Les enjeux relatifs au numérique dans le secteur agricole, qu’ils soient de nature éthiques (sécurité et confidentialité des données, autonomie des producteurs, etc.), institutionnels (souveraineté des données), économiques (main-d’oeuvre et relève) ou organisationnels (formation, transfert de connaissance, etc.) n’entachent pas du tout, ou très peu, cette perception. Cependant ces enjeux sont bien réels et pourraient affecter la confiance des producteurs de partager leurs données par exemple. Or, pour tirer le plein potentiel des données, un partage de ces dernières semble incontournable. Loin de consister uniquement en un simple transfert d’information, le partage des données agricoles doit avant tout donner l’opportunité de renforcer la coopération entre les créateurs de ces données et les experts compétents pour les analyser afin de créer de la valeur ajoutée et des opportunités
commerciales au sein de la chaîne agroalimentaire. Le partage doit se faire de manière organisée et observer certaines règles, notamment en matière d’éthique, de transparence et de sécurité.

Dans ce contexte, plusieurs initiatives de réglementation, de portails de partage de données, de charte des bonnes pratiques et autres labels ont récemment émergé un peu partout dans le monde, avec une certaine concentration en Europe et aux États-Unis. Afin d’identifier les éléments à prendre en compte pour aider à la prise de décision au Québec quant à l’encadrement des données numériques agricoles, ce rapport présente et compare les principales caractéristiques de quelques initiatives publiques mises en place ailleurs dans le monde pour encadrer l’utilisation de données numériques, ou encore pour faciliter le partage des données, assurer leur transparence ou améliorer leur utilisation. Tout d’abord, les chartes ou code de bonnes pratiques analysés, tout en permettant d’instiller la confiance dans le secteur agricole et à rassurer les agriculteurs que leurs données seront traitées de manière sécuritaire, apportent une réponse aux manques juridiques sur ces questions. La faiblesse principale de ces codes de bonnes pratiques réside dans le fait qu’elles n’ont toutefois pas valeur de loi. Des labels ont été créés afin de pallier cette faiblesse et donner un incitatif pour
les fournisseurs de services de se mettre en conformité avec l’ensemble des points énumérés dans les chartes. C’est le cas notamment des Principes de Confidentialité et de Sécurité des Données Agricoles aux États-Unis qui s’accompagnent du label Ag Data Transparent dont le processus de certification repose sur une évaluation rigoureuse des contrats des fournisseurs. Dans certains pays, afin d’apporter des réponses aux enjeux entourant le partage, des plateformes numériques d’échanges et/ou de stockage des données numériques générées sur les exploitations agricoles ont fait leur apparition. Un portail répond à plusieurs problématiques en mettant à disposition de l’ensemble des acteurs oeuvrant dans le secteur agricole une interface de mise en commun de données variées relatives à l’agriculture. Ainsi, des données de différentes natures qui finissent parfois oubliées en silo et qui demandent du temps et des
moyens pour être exploitées peuvent y être agrégées et valorisées, pour le bénéfice des producteurs d’abord mais aussi de l’ensemble du secteur. Les exemples de plateformes d’échange de données numériques agricoles cités dans ce rapport montrent qu’elles sont le fruit d’initiatives très récentes, ce qui rend quelque peu prématurée la mesure précise de leur impact sur les filières agricoles. En outre, la mise en place d’une plateforme d’échange de données numériques dans le secteur agricole n’est pas sans présenter certains défis en termes de participation, de fonctionnalités, de gouvernance et de financement.

Le présent rapport devrait ainsi grâce à tous les éléments analysés, aider les décideurs et l’ensemble des acteurs du secteur agricole dans leur prise de décision quant à l’utilisation et à la gestion des nouvelles technologies numériques en agriculture avec comme objectif afin de s’assurer que cette industrie demeure très compétitive.

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