Le premier appel public à l'épargne et les sociétés québécoises : état de la situation

Le présent rapport vise à répondre à trois questions. Premièrement, les firmes québécoises sont-elles sous représentées dans les premiers appels publics à l'épargne (PAPE) sur les Bourses canadiennes? Deuxièmement, quelles sont les raisons qui pourraient expliquer la différence entre la population relative du Québec, ou sa production industrielle, et le pourcentage de firmes faisant un PAPE et qui ont leur siège social au Québec? Troisièmement, la mise en place, par le gouvernement du Québec, de mesures fiscales ou budgétaires serait-elle appropriée?

Relativement à la première question, et s'appuyant sur une analyse quantitative exhaustive des PAPE effectués au Canada à la bourse de Toronto (TSX) et à la bourse des valeurs de croissance (TSXV) durant la période 2003-2012, il ressort qu'effectivement, à plusieurs points de vue, les entreprises québécoises sont sous-représentées. De fait, sauf exceptions notables (Dollarama, BRP), les entreprises québécoises sont pratiquement absentes du marché canadien des PAPE depuis 2007. De manière plus globale, on peut aussi constater que le marché canadien des PAPE est beaucoup plus cyclique que le marché américain, plus concentré dans l'énergie et les ressources (vs technologie et transformation) et aussi moins rentable le jour de l'émission. À long terme, l'achat et la garde de titres issus de PAPE ne s'avèrent pas un placement intéressant.

En ce qui a trait à la seconde question, nos entretiens avec une quinzaine d'acteurs des marchés financiers de Montréal et de Toronto nous révèlent que les PAPE sont essentiellement perçus comme une manifestation, parmi d'autres, de l'écosystème financier. En d'autres termes, le dynamisme ou la stagnation apparente du marché des PAPE reposent sur plusieurs autres composantes des marchés financiers. Par conséquent, toute interprétation au premier degré des données quantitatives du marché des PAPE pourrait donner une fausse impression quant à la situation financière et économique réelle des entreprises sous-jacentes. Selon la plupart des répondants, plusieurs facteurs contribuent à réduire l'attrait des PAPE pour les entreprises, notamment la concentration grandissante des gestionnaires de portefeuille au Canada dans les mains de quelques grandes institutions, la distance accrue entre les entrepreneurs et les gestionnaires de portefeuille principalement situés à Toronto, la présence importante de capitaux privés ou fiscalisés au Québec et les coûts de conformité accrus de devenir une société cotée en bourse. D'autres facteurs cités incluent également l'ambition (ou l'absence) des entrepreneurs québécois et l'appétit pour le risque des investisseurs individuels québécois.

Quoique le PAPE ne constitue plus la seule alternative de financement pour une entreprise arrivée à un certain stade de maturité, il ressort clairement de nos entretiens qu'un marché des PAPE actif et dynamique est une caractéristique essentielle d'un centre financier actif et dynamique, les expertises et compétences requises pour les PAPE s'étiolant avec le temps en l'absence d'émissions. À cet égard, une certaine inquiétude quant à l'avenir de Montréal comme centre financier est partagée par plusieurs répondants.

Nos recommandations s'inscrivent en continuité avec ces constats de nos analyses quantitatives et qualitatives et visent à dynamiser Montréal comme place financière.

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